Pour commencer, je veux signaler un point important. Il y a des esprits visionnaires qui déclenchent des actions, qui allument la flamme, mais ce sont les sociétés et les communautés qui mettent — ou ne mettent pas — ces actions en valeur.
À l’occasion du 50e anniversaire d’Héritage Montréal, je veux premièrement célébrer les grands changements qu’il a apportés, et deuxièmement porter un regard vers son futur — les 50 prochaines années.
Pour Héritage Montréal, la sauvegarde du patrimoine veut dire la mise en valeur, et la mise en valeur dépend de la communauté. Et c’est pour cela qu’Héritage Montréal a sensibilisé, mobilisé et engagé la communauté autant que les décideurs publics et privés dans cette action. Car le sens de cette action a toujours été de renforcer l’engagement de la collectivité dans un esprit démocratique autant que d’assurer un développement authentique de Montréal et de ses quartiers.
Ensemble, nous avons sauvé et engagé la mise en valeur des éléments naturels fondamentaux de notre ville — le fleuve avec le Vieux-Port et la montagne — par des campagnes d’information et de consultation publique. Nous avons fait de même avec des bâtiments de haute signification, tel l’îlot de la maison-mère des Sœurs Grises, ce magnifique ensemble incluant sa chapelle maintenant intégrée à l’Université Concordia, ou la Prison des Patriotes, si significative pour l’histoire de la province, qui était menacée de démolition pour redresser la rue Notre-Dame, et que nous avons sauvée avec Michael Fish et Sauvons Montréal, en militant pour que la route contourne le bâtiment, tel que dessiné par Michael. Et que dire des secteurs entiers comme Milton Parc, où les résidents ont formé une coopérative d’habitation où des familles et des personnes défavorisées continuent de vivre dans un environnement de forte valeur sociale, où les droits des citoyens s’expriment dans une vie associative et communautaire, et où une forte société d’écologie urbaine contribue à la qualité de vie, par exemple en établissant un centre communautaire dans une école désaffectée et en amenant la création du parc Lucia-Kowaluk.

Ces actions en ont inspiré d’autres. Prenons l’exemple de la mise en valeur continue d’Hochelaga-Maisonneuve et du Plateau, où ils ont créé des ruelles vertes et des infrastructures de gestion durable des eaux pluviales (GDEP). Ou encore ces merveilleux petits parcs communautaires multifonctionnels aménagés par la Ville de Montréal dans les arrondissements comme Côte-des-Neiges–NDG, Rosemont ou le Sud-Ouest, pour n’en nommer que quelques-uns. Même à Laval !
Je cite ces exemples pour montrer l’importance et l’influence rayonnante d’Héritage Montréal, car avec les grands changements sociétaux et environnementaux que nous vivons, et qui ne vont pas s’apaiser, et de nouveaux modes de financement pour les 50 prochaines années, nous avons devant nous une période riche en défis et donc en besoins d’innovation et de relations humaines.
La mentalité a grandement changé en 50 ans. Pendant les années 1970, nous pensions impossible de rénover et de réutiliser les bâtiments et les ensembles patrimoniaux. Aujourd’hui, les projets de recyclage sont constamment dans les médias de masse ainsi que dans les médias spécialisés. À travers l’Europe, on doit voter bientôt sur le projet House Europe (présenté il y a quelques mois par le CCA), qui est contre la démolition et pour la requalification et le recyclage. La campagne milite pour rassembler un million de signatures à présenter au Parlement européen.
À Montréal, il y a beaucoup à faire, face au manque d’entretien, voire à la désaffectation des bâtiments. Regardons face au Vieux-Port, dans le Vieux-Montréal, où les ressources allouées par Québec manquent malgré l’insistance des discours sur l’importance de notre culture.
N’est-il pas criminel de ne rien faire ? De ne pas former un partenariat fort entre la Ville et la Province pour surmonter la crise du logement en accélérant la reconversion des grands ensembles patrimoniaux et des institutions religieuses ? Et de ne pas élargir le cercle de ceux qui peuvent amener des solutions pour les bâtiments patrimoniaux à requalifier, comme ces exquis manoirs du campus de McGill ?

Dans notre métropole, qui compte cinq universités, il est urgent de créer des programmes de formation professionnelle pour une compréhension sociologique et culturelle de nos milieux de vie.
Pour relever les défis des 50 prochaines années, nous aurons grandement besoin d’Héritage Montréal et de l’implication des gens engagés qui vivent ces problèmes, qui sont libres d’y réfléchir et qui peuvent éveiller leurs concitoyens. Pour réaliser ce que nous voulons tous — c’est-à-dire un Montréal avec son unicité patrimoniale et des quartiers distincts —, nous devons tous travailler ensemble et trouver de nouvelles solutions liant les modalités de financement, la rénovation, la construction — nous tous : les pouvoirs publics, les milieux universitaires, les promoteurs immobiliers, les associations citoyennes et les organismes de l’économie sociale, incluant les groupes de ressources techniques en habitation.
Concordia salus! Depuis les initiatives citoyennes et les consultations publiques pionnières des années 1980, c’est un trait distinctif du modèle montréalais qu’il faudra renforcer.
Photo de couverture : Clara Lacasse