Aujourd’hui associé à l’espace vert bien apprécié de la population de Rosemont-Petite-Patrie, le Parc Molson réfère au début du XXe siècle plutôt à un projet immobilier afin d’urbaniser ce secteur. À la suite de son annexion par la Ville de Montréal en 1908, le rôle des citoyens et citoyennes est central dans la bonification des services municipaux. Les membres du comité ouvrier local veulent également participer eux-mêmes aux travaux d’aménagement, alors que le chômage sévit durant la Première Guerre mondiale.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le parc Molson est bien plus qu’un simple espace vert. Au début du XXe siècle, le Parc Molson (avec un grand “P”) désigne d’abord un parc immobilier, comme il en existe alors plusieurs sur l’île de Montréal. Situés en marge de la ville, quelques rares conservent leur nom encore aujourd’hui.
Aménagé sur les terrains de l’ancienne la ferme des Molson à Côte-de-la Visitation au début du XXe siècle, le lotissement du Parc Molson serait graduellement développé d’ouest en est, de la Carrière Martineau, près de la rue Marquette, en allant graduellement vers l’avenue Papineau et les suivantes.
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Les possibilités de travail, la proximité avec la première paroisse du Parc Molson, Saint-Jean-Berchmans, ainsi que la présence du tramway de la rue Papineau expliqueraient ce développement d’ouest en est. Malgré l’annexion du Parc Molson au quartier Saint-Denis en 1908, les services fournis habituellement par la Ville de Montréal, comme les égouts ou l’aqueduc, tardent à se concrétiser.
Avec les crises financières qui se succèdent et les dépenses de la Première Guerre mondiale grevant les finances publiques, l’année 1915 est particulièrement difficile pour la population ouvrière du Parc Molson. La plupart d’entre eux, des ouvriers-propriétaires, sont confrontés au chômage ; les plus chanceux ayant eu leur semaine de travail réduite à 2-3 jours.
La lenteur des travaux publics au Parc Molson amène de nombreuses doléances de ces citoyens. Ces derniers s’associent et soumettent leurs demandes par la voie des journaux et de pétitions.
Dans un article de La Presse du 11 février 1915, il est relaté que le comité municipal de Saint-Jean-Berchmans, nouvellement formé, a pris connaissance que les travaux publics plus que nécessaires au Parc Molson ne sont pas prévus au budget municipal.
Avec l’idée que ces aménagements pourront donner du travail aux ouvriers au chômage, les membres du comité dressent une liste des travaux les plus urgents : des égouts et un aqueduc, un tunnel traversant la voie ferrée passant sur De Lorimier et sur Papineau, un marché, une station de pompier et de police. Cette requête doit être soumise à l’échevin du quartier Saint-Denis : M. Houle.
Quelques jours plus tard, un véritable cri du cœur est rapporté dans Le Nationaliste.
À l’Hôtel de Ville de Montréal, les citoyens du comité font entendre leurs doléances avec émotions et vigueur. La somme d’un million de dollars vient alors d’être votée par le conseil du maire Médéric Martin pour des travaux municipaux. Mais malgré cela, seulement une centaine d’ouvriers pourront être engagés pour les chantiers d’été. Certains devront partager le travail à tour de rôle.
Pour la centaine d’ouvriers délégués du Parc Molson, c’en est trop ! C’est la faillite qui guette nombre d’entre eux, la perte prochaine de la propriété qu’ils ont acquise après plus d’une dizaine d’années passé à travailler à la sueur de leur front. Bien déterminés à obtenir gain de cause, ils annoncent leur retour à la prochaine assemblée du conseil de ville.
Et le tramway ?
L’année suivante, le 16 mars 1916, quelques 341 résidents du quartier et des alentours adressent une pétition à la Ville de Montréal demandant un nouveau service de tramways sur la rue d’Iberville jusqu’à la rue Saint-Zotique afin de faciliter l’accès au Parc Molson.
Ce secteur est alors très peu développé. Mais avec l’inauguration du tramway sur d’Iberville au début des années 1920, il devient plus attractif pour les résidents qui commencent à s’y établir.
Les premiers duplex et triplex sont construits autour de l’actuel parc Molson. Mais encore là, il faudra près d’une dizaine d’années avant que l’ensemble des travaux publics soient effectués comme le montrent bien les photos des studios Notman.
Malgré l’arrivée de la ligne sur la rue d’Iberville, le service n’est pas parfait aux dires de certains citoyens. Attendre 20 minutes entre le passage de chaque tramway, des correspondances à la course, voire miraculeuses ! Ah pour aller et venir au Parc Molson en 1922, il vaut mieux marcher, c’est bon pour la santé comme le dit si bien Albert Alarie, résident de la 3e avenue au sein des pages du journal Le Devoir en 19223.
Les demandes pour l’amélioration du service de tramway resteront une priorité pour la délégation du Parc Molson au cours des années suivantes.
Références : 1 Plan du lotissement du Parc Molson vers 1925, MEM 2 https://www.st-jean-berchmans.org/historique_f2.html et https://www.flickr.com/photos/155069703@N08/42770761402/ 3 Le Devoir, 10 mars 1922 p.2 Crédit photo couverture : Détail de la photo La rue Rosemont et le tramway « Iberville » photographiés les studios Notman pour la Walter Molson Co., 1924, McCord-Stewart © V21127
2 commentaires
Beau portrait des difficultés de l’extrême-banlieue en 1915!
Un problème à corriger, le quartier Parc-Extension n’est pas un exemple survivant de ces nombreux lotissements qui s’appelaient Parc quelque-chose (Parc Amherst, Parc Central, Parc Champlain (Rosemont), etc.). Car il ne s’agissait pas d’un parc (lotissement) appelé Extension, mais plutôt du quartier construit autour d’une extension de l’avenue du Parc – c’est très clair dans le nom original anglais et dans les publicités d’époque.
Un bon exemple dont on parle encore parfois aujourd’hui est le Parc Victoria à Saint-Lambert.
Merci Justin pour cette précision! Nous avons fait la mise à jour.