C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès, le 21 juillet, de Jean Décarie, géographe, urbaniste, professeur, professionnel et citoyen engagé.
Ce montréalais, homme d’idées pionnières, de convictions volontaires qu’il défendait avec ardeur et d’une vaste connaissance acquise sur le terrain au fil de près de 60 ans d’action, aura été un grand ami pour Montréal, son territoire et son patrimoine. En nous quittant, il laisse un grand vide mais aussi de multiples legs dont la population montréalaise profitera longtemps, sans toujours avoir conscience que Jean en fut la source.
Pensons au plan de protection et de mise en valeur du mont Royal dont il a été responsable de la première version. Pensons aussi au Réseau vert, cette mutation des emprises ferroviaires en promenades « podocycliques » bordées de végétation rudérale, qu’il avait imaginé il y a plus de 30 ans et que, peu à peu, la Ville de Montréal réalise. Pensons au projet Archipel et à ses travaux sur les espaces libres et les parcs métropolitains qu’on peut relier avec les préoccupations contemporaines pour les inondations ou la préservation des milieux naturels et des paysages. Pensons aux premiers travaux pour transformer l’ancienne carrière Miron en ce qui allait devenir le parc Frédéric-Back, d’une surface comparable à celle du parc du Mont-Royal et que Jean Décarie appelait la montagne en creux.
Sans oublier ses multiples participations à des comités et des campagnes; par exemple, pour le réaménagement de l’échangeur Parc et Pins, pour la sauvegarde de l’œuvre Agora du sculpteur Charles Daudelin au square Viger et pour l’installation de passages à niveau pour relier les quartiers du Plateau et de Rosemont aujourd’hui séparés par les voies ferrées.
Son action visionnaire et ses contributions exceptionnelles tant au sein des institutions publiques, de l’enseignement que de la profession et de l’action citoyenne, auront valu à Jean Décarie plusieurs hommages dont le Prix du Mont-Royal remis par la Ville de Montréal et Les amis de la montagne, le Prix Blanche-Lemco-van-Ginkel de l’Ordre des urbanistes du Québec et le Prix Frederick-Todd de l’Association des architectes paysagistes.
Les membres et amis d’Héritage Montréal se rappellent de ses interventions nombreuses, éclairées et généreuses dans cette langue française qu’il soignait et dont témoignent les quelques textes et articles présentés plus bas. Plusieurs ont participé à certaines de ses activités; par exemple, cette mémorable promenade en train qu’il avait organisée en mai 1992 à l’occasion du 350e anniversaire de Montréal et du congrès de l’Association québécoise pour le patrimoine industriel, un exploit inégalé de mise en valeur du patrimoine montréalais par une grande boucle reliant la gare Windsor à la gare Centrale autour du mont Royal avec l’accord des compagnies ferroviaires.
Et sa conférence sur les ruisseaux disparus de Montréal, le 3 octobre 2012, la toute première des Échanges urbains que nous organisons avec le musée McCord et dont il était un participant assidu depuis. Les guides bénévoles aussi ont pu bénéficier de ses connaissances lors de séances de formation pour les Architectours qui les aura éclairés sur la géographie distinctive de la métropole et la vision très culturelle et volontaire qu’il en avait.
Héritage Montréal offre ses condoléances à sa famille et ses proches ainsi qu’à l’ensemble des organismes qui, comme nous, ont eu le privilège de collaborer avec lui sur des dossiers d’aménagement, de patrimoine ou d’environnement, à Montréal et dans la région métropolitaine. C’est un géant et un ami qui nous quitte mais les idées qu’il a plantées demeurent et continueront de croître pour le bien collectif. Nous lui en témoignons une grande reconnaissance, comptant que les institutions en fassent tout autant.
Au nom d’Héritage Montréal, merci Jean Décarie!
Pour en savoir un peu plus sur les travaux et les réflexions de Jean, voici quelques articles et lettres d’opinion qui pourraient vous intéresser.
Articles scientifiques
Décarie, Jean, 1989. “Paysages en devenir – Le mont Royal”, Trames 2(1):76-79.
Décarie, Jean, 1999. “L’Arbre et la ville”, Téoros, printemps:57-59.
Articles de presse et lettres d’opinion
Décarie Jean, 2014. “Une lumière au bout du tunnel”. La Presse, 6 mai.
Décarie Jean, 2004. “Frapper un mur”. Le Devoir, 25 septembre.
Décarie Jean et Coralie Deny, 2004. “Un parc public dans le Carmel”. Le Devoir, 8 décembre.
Décarie Jean, 2005. “Le carmel, prise deux”. Le Devoir, 13 juillet.
Décarie Jean, 2006. “Avoir su…”. Le Devoir, 25 octobre.
Décarie Jean, 2010. “Lettres – Pour un arrondissement historique”. Le Devoir, 27 mai.
Décarie Jean, 2010. “Lettre – Un ballon pour un ballon”. Le Devoir, 2 juillet.
Décarie Jean, 2012. “Lettre – Le point Maurice-Richard”. Le Devoir, 23 juin.
Décarie Jean, 2014. “Lettre – Maisons de May”. Le Devoir, 7 juillet.
Décarie Jean, 2015. “Le projet « Quinze40 » n’a pas de sens”. Le Devoir, 8 décembre.
Décarie Jean, 2018. “L’Accès au mont Royal”. Le Devoir, 20 mars.
2 commentaires
Les quelques rencontres faites durant mes années de professeur à la Faculté de l’Aménagement m’ont permis de reconnaitre et d’apprécier en lui, un réel engagement pour mettre en valeur et préserver les éléments les plus précieux du territoire montréalais.
Mes plus sincères condoléances à la famille et aux amis de tous les jours qui l’ont appuyé dans son formidable travail.
Une grande perte pour Montréal…
Jean était un géant discret, qui a oeuvré sur de nombreux dossiers importants pour l’aménagement de Montréal et la préservation de son patrimoine, mais trop souvent dans l’ombre et peu connu du grand public.
C’était un plaisir de le voir aux Échanges Urbains, qu’il a inauguré comme premier conférencier, assis au premier rang, toujours aussi attentif et interessé et toujours enthousiaste et volubile lors des discussions qui suivaient, autour d’un verre de vin.
Bonne route Jean ! Tu nous as marqué par ta passion, ton savoir, ton implication et ta grande humanité. Merci !
Mes condoléances à la famille et aux amis.