Requalification patrimoniale et développement durable ne sont pas antinomiques ! En 2010, une ancienne station d’électrification d’Hochelaga-Maisonneuve est convertie en COOP d’habitations, tout en répondant à de nombreux critères verts. Découvrez les deux vies de ce bâtiment industriel dans l’article.
L’arrivée de la station terminale n° 1 dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve
En 1903, la Shawinigan Water & Power réussit la prouesse technique de transporter l’électricité produite à Shawinigan sur une grande distance afin de rejoindre Montréal. Le point d’arrivée de cette première ligne de transport électrique est la toute nouvelle Station terminale n° 1, au 2111, rue d’Orléans (adresse actuelle), dans la ville de Maisonneuve (annexée à Montréal en 1918). L’électricité venue de la Mauricie alimente notamment le réseau de tramway de la ville ainsi que des pôles industriels comme les Ateliers Angus.
La station n° 1 est conçue par l’ingénieur Wallace C. Johnson. Il envisage un bâtiment essentiellement fonctionnel, simple et sans ornementation. Une imposante structure en acier, réalisée par la Dominion Bridge de Lachine, supporte le bâtiment et encadre un large hall principal dans lequel on retrouve les imposants transformateurs électriques. Les façades en brique rouge de la station sont percées de grandes fenêtres laissant passer une luminosité abondante sur la vaste salle des machines.
Dans les années 1950, la station terminale n° 1 est désaffectée et les activités sont transférées à la station terminale n° 2, adjacente, et construite en 1911. Le bâtiment est vendu à American Can Co. qui en fait un entrepôt à proximité de son usine principale, située sur la rue Pie-IX, juste au nord de la rue Ontario. En 1955, l’ancienne station est annexée de plusieurs bâtiments. Éventuellement, le bâtiment principal est abandonné.
Dans les années 1990, le secteur est l’objet de grandes transformations : en 1993, on retire les rails qui longeaient notamment l’ancienne station et on amorce la réflexion du réaménagement de ce qui deviendra la place Simon-Valois et la promenade Luc-Larrivée. Le bâtiment change également de propriétaire, mais demeure vacant. En 2005, un promoteur envisage un projet qui transformerait grandement le bâtiment. L’arrondissement demande la production d’une étude d’intérêt patrimonial qui le convainc de la valeur du bâtiment. Le promoteur est débouté, et c’est le projet présenté quelques années plus tard par Bâtir son quartier qui reçoit l’aval de l’arrondissement.
La station est située sur l’avenue d’orléans, à gauche du plan.
Une requalification en logements communautaires
En 2010, la station est convertie en habitation de 74 logements par la firme d’architecture Ædifica. Bâtir son quartier, une entreprise d’économie sociale spécialisée dans les projets immobiliers communautaires, a accompagné le groupe dans le développement de la coopérative, de la concertation à la mise sur pied du projet, en passant par la coordination et la gestion du chantier. Bâtir son quartier a également offert un accompagnement et des formations à la coopérative afin de les outiller dans la gestion de leur entreprise d’économie sociale.
« Nous sommes soucieux de participer activement à la préservation du patrimoine bâti, notamment grâce à la reconversion d’immeubles à des fins de logements communautaires. Pour ce faire, nous agissons comme facilitateur des relations entre les différentes parties prenantes (promoteurs privés, bailleurs de fonds, professionnels, élus et fonction publique) et le groupe porteur du projet. »
Edith Cyr, directrice générale de bâtir son quartier
Le projet de coopérative d’habitation de la Station n° 1 a été financé en partie par le programme AccèsLogis, programme du gouvernement du Québec mis en place en 1997. Ce programme est administré par la Société d’Habitation du Québec et permet de financer une partie des coûts de construction pour les projets d’habitations communautaires, sous forme de garantie de prêt et de subventions.
La station d’électrification est donc agrandie, afin d’accueillir une mixité de foyers et de logements aux loyers abordables, du studio aux logements familiaux de 4 et 5 chambres. Pour les besoins de la reconversion, on a supprimé les éléments qui occupaient la nef centrale d’origine afin de la remplacer par une cour intérieure (photos ci-dessus). Les logements ont été aménagés dans les ailes situées de chaque côté et dans les deux nouvelles ailes. Les appartements s’ouvrent sur des espaces verdoyants de part et d’autre du bâtiment. L’entrée au sein des logements se fait via la cour intérieure, créant ainsi un sentiment de communauté entre les membres de la coopérative.
Des logements écologiques
Aménagement, isolation, gestion de l’eau et des déchets de construction : tout a été pensé dans une démarche de développement durable.
Le bâtiment d’origine sert d’élément central du nouveau complexe d’habitations, les nouvelles ailes ayant été ajoutées de part et d’autre de l’ancienne station. Le hall principal, devenu une cour intérieure, est dominé par l’ancien pont roulant, témoignant du passé industriel du bâtiment. De plus, 54% des éléments structuraux ont été préservés, notamment la structure d’acier, les fondations et les colonnes de même que les murs longitudinaux. La maçonnerie a également été conservée en grande partie : 96 000 briques ont été nettoyées et réutilisées.
En termes d’énergie, la végétation et la membrane réfléchissante du toit permettent de réduire la formation d’îlots de chaleur. De nouvelles ouvertures ont été créées pour apporter plus de lumière naturelle aux logements. La performance énergétique du bâtiment est aussi 42 % supérieure à la moyenne des appartements au Québec.
« Afin de garantir une isolation maximale, à l’arrière des murs de quatre pouces d’épaisseur, la charpente de bois a été remplie d’uréthane et recouverte d’un panneau isolant rigide composé de fibres de bois naturelles. Chaque appartement est muni d’une fenestration avec vitrage double, affichant une résistance thermique de R-4 et d’un ventilateur récupérateur de chaleur. »
source : https://projetsverts.voirvert.ca/projets/station-no1
L’installation d’appareils de plomberie à faible consommation d’eau permet une réduction de 45 % de la consommation d’eau potable par rapport à un édifice comparable. De plus, les plantes installées au sein du bâtiment ne demandent aucune irrigation. Enfin, 95 % des déchets de démolition et de construction n’ont pas été envoyés vers des sites d’enfouissement.
La requalification de la Station n° 1 en coopérative est une réussite en plusieurs points. Tout d’abord, le projet d’Ædifica a su intégrer le patrimoine du quartier tout en préservant l’esprit industriel du bâtiment d’origine. De plus, cet esthétique bâtiment répond à divers critères d’éco-habitation, la COOP ayant reçu la certification Novoclimat. Enfin, le projet a également reçu plusieurs prix, témoignant de la grande qualité d’exécution des travaux et de la vision du lieu :
- Lauréat dans la catégorie Organismes à but non lucratif du 5e Gala de reconnaissance en environnement et développement durable de Montréal | 2011
- Lauréat du Prix de la mise en valeur du patrimoine de l’Opération patrimoine architectural de Montréal | 2011
- Prix spécial de la mise en valeur du patrimoine, décerné par la Ville de Montréal et la Fondation Héritage Montréal
Aujourd’hui, la coopérative participe à la revitalisation d’un quadrilatère industriel en accueillant plus de 70 nouveaux locataires.
Vous souhaitez en savoir plus sur les rénovations durables ? Inscrivez-vous à nos leçons de rénovation qui auront lieu les 23 et 25 novembre.
Merci à Edith Cyr, directrice générale de Bâtir son quartier d’avoir répondu à nos questions.
Sources :
- Projetsvers.ca
- Bâtir son quartier
- La Fabrique Culturelle
- “À la découverte d’Hochelaga-Maisonneuve | Énergie : l’électricité”
- Aedifica
- Etude de Louis Brillant. Étude patrimoniale en vue de l’évaluation patrimoniale des bâtiments situés au 2100, avenue Jeanne-d’Arc, pour Samcon, 2005.
Crédit photo de l’image d’entête : Héritage Montréal.
2 commentaires
J’adore cet article mais, je me demande pourquoi vous écrivez à certains endroits : Station nº 1 et à d’autres Station no. 1 ? En fait, en français, le point n’a pas sa place dans un une abréviation qui se termine par la dernière lettre du mot. La première façon de l’écrire est donc la bonne. C’était mon commentaire de graphiste d’ex-typographe, amant de la langue française !
😉
Bonjour,
Merci pour votre oeil aiguisé! En effet nous allons corriger cette inconsistance.
Bien à vous,
L’équipe d’Héritage Montréal