Lorsque les beaux jours arrivent, beaucoup de Montréalais passent du temps dans les parcs publics. Que ce soit pour flâner, bronzer, lire un livre ou faire un pique-nique, les parcs sont inscrits dans le mode de vie des citadins.
Saviez-vous que ce n’est que depuis le XIXe siècle que les citadins fréquentent les parcs municipaux ? À cette époque, on remet en question l’architecture et les coutumes victoriennes. Parallèlement aux mouvements de réforme visant l’équité sociale, des modèles urbanistiques novateurs tels que les mouvements américain City Beautiful et britannique Garden City influencent de nouvelles pratiques urbaines au Québec.
Dans cette optique de renouveau, plusieurs parcs de détente et d’accès à la nature sont créés : parc du Mont-Royal, parc de l’île Sainte-Hélène et parc Logan (La Fontaine). Bientôt, un autre type de parc fait son apparition à Montréal : les parcs d’attractions aménagés par des promoteurs privés. L’avènement de ce genre d’établissement reflète la modernisation des pratiques de loisirs de l’époque.
Alors que nos visites ArchitecTours 2021 vous feront découvrir les lieux de loisirs et de détente en ville, nous vous proposons de découvrir ici les parcs Dominion et Belmont ainsi que le Jardin des Merveilles, aujourd’hui disparus, qui ont tant marqué les Montréalais.
Le parc Dominion

Les dimanches après-midi, le parc Dominion était la destination par excellence des Montréalais au début du XXe siècle. Inauguré en 1906, il appartenait au promoteur américain Harry A. Dorsey, qui s’était associé à l’une des compagnies de tramway de l’époque, la Suburban Tramway & Power, pour ouvrir un parc à Longue-Pointe, dans l’est de Montréal. Cette alliance a permis le développement du réseau de tramway vers ce secteur de Montréal – le parc Dominion était situé au terminus de la ligne – tout en assurant un accès facile au tout nouveau parc de divertissement.
Surnommé le « Coney Island montréalais » par le New York Times, le parc Dominion s’inspirait directement des amusement parks américains. En se promenant dans le parc, on pouvait assister à des spectacles de musique et de vaudeville, et à des prestations de cirque. Mais ce qui faisait véritablement la renommée de ce parc, c’était ses manèges. L’attraction phare était le Shoot-the-Chute, qui consistait à dévaler une chute d’eau pour atterrir dans un bassin, un peu comme l’emblématique Pitoune de la Ronde, qui a cessé d’exister en 2019.

Au sein du parc, on pouvait également visiter le Musée de l’absurde et s’arrêter pour observer des incubateurs de bébés où des infirmières prenaient soin de vrais nourrissons. Dans cet étrange parcours, le parc proposait également des pavillons qui reconstituaient les grands drames de l’époque. Parmi les scènes cultes représentées figuraient notamment le naufrage du Titanic et l’inondation de 1889 à Johnstown, en Pennsylvanie.

Malheureusement, deux incendies ont ravagé le parc Dominion, le premier en 1907, qui causa des dommages mineurs, et le second douze ans plus tard, qui entraîna le décès de huit personnes.
Le parc ferme en 1937, miné par la crise économique de 1929 et par la rivalité du parc Belmont. Aujourd’hui, ironiquement, on trouve à son emplacement le centre de formation des pompiers de Montréal.
Le parc Belmont
Le parc Belmont s’établit en 1923 sur la rue Lachapelle dans l’actuel arrondissement Ahuntsic-Cartierville, dans le nord-ouest de Montréal. Tout comme le parc Dominion, il était facilement accessible en tramway. Ce parc d’attractions était à proximité de la rivière des Prairies, un lieu de prédilection pour la villégiature estivale montréalaise.
Dans les premières années, l’administration du parc change souvent de mains. Un certain Charles-Émile Trudeau, grand-père de Justin Trudeau, en a d’ailleurs été le vice-président pendant les années 1930 ! C’est toutefois la famille Gauvreau qui marque l’histoire du parc, en ayant été propriétaire du parc Belmont durant plus de 40 ans.

L’entrée du parc est caractérisée par ses tourelles jumelles en façade. Elles ont été dessinées par l’architecte montréalais Edgard Prairie, élève de Maurice Perrault (concepteur notamment du palais de justice de Montréal et du Monument National). Prairie est connu, entre autres, pour avoir contribué à la conception de la prison Bordeaux de Montréal et pour le plan original de l’église Sainte-Cécile, dans le quartier Villeray.
Le parc Belmont offrait un large éventail d’activités. On pouvait tourner dans la grande roue, s’étourdir dans le carrousel ou s’aventurer sur les montagnes russes, sans oublier de visiter la fameuse maison hantée. Des années 1940 à 1960, des milliers de citadins ont profité chaque fin de semaine des manèges et attractions du parc. D’ailleurs, en 1972, le parc enregistre un nombre record d’entrées annuelles avec 750 000 billets vendus !


Le parc Belmont a inspiré aussi bien la population montréalaise que les artistes de l’époque. Il a servi de décor pour le film Pierrot à Montréal, mais également pour le documentaire À mort de Pierre Falardeau. La célèbre chanteuse Diane Dufresne lui a même dédié une chanson : Le parc Belmont, dans son album Strip Tease lancé en 1979.
En 1983, le parc a été le théâtre d’un record du monde d’endurance de montagnes russes : deux jeunes Montréalais ont passé 503 heures dans le Cyclone, soit plus de 20 jours sans arrêt ! Quelques semaines plus tard, le parc Belmont fermait définitivement, notamment à cause de la concurrence de la Ronde, ouverte en 1967, et d’un accident survenu en 1979, où deux enfants ont perdu la vie.
Le Jardin des Merveilles
Le Jardin des Merveilles a ouvert ses portes en 1957 dans le parc La Fontaine. Ce jardin zoologique urbain « pour enfants » avait pour thèmes des contes de fée, des fables de La Fontaine et des chansons. On y trouvait par exemple le carrosse de Cendrillon, un château de princesse, un module « le lièvre et la tortue » ou encore la maison des trois petits cochons. Une visite au Jardin des Merveilles permettait également d’assister à des spectacles de marionnettes mettant en vedette le journaliste belge le plus connu au monde, Tintin.

Le Jardin accueillait plus de 250 espèces d’animaux, principalement ceux de la ferme (poneys, veaux, moutons, poules), mais aussi des chouettes, des cerfs canadiens, des singes, des pingouins, un éléphant (nommé Babar), des lamas, etc. L’animal le plus populaire du Jardin était néanmoins la baleine de Jonas. Baleine fictive construite en béton, elle abritait dans sa gueule un aquarium plein de petits poissons.

L’hiver, bon nombre des animaux étaient déplacés au parc Angrignon. À partir de 1964, le Jardin ouvre aussi pendant les Fêtes en présentant des installations éphémères, comme la crèche de l’enfant Jésus. Le palais de glace qui entourait la piscine d’otaries faisait partie des points incontournables du Jardin des Merveilles en cette saison.

Faute d’entretien, le Jardin se dégrade progressivement dans les années 1980. Les conditions de vie des animaux préoccupent de plus en plus les citadins et le Jardin ferme finalement en 1988. Les animaux sont transférés dans des zoos du monde entier, mais l’éléphant Babar trouve refuge au zoo de Granby. Un an plus tard, le Biodôme de Montréal offre au grand public un nouveau lieu de rencontre avec les animaux.
Exceptionnellement en 2021, la baleine de Jonas est exposée au parc La Fontaine, en face du chalet- restaurant. Cette baleine iconique est une « madeleine de Proust » pour les Montréalais qui ont connu le Jardin des Merveilles. Nous vous invitons à aller la saluer !
Cet article fait partie d’une série produite par Héritage Montréal en complément des visites ArchitecTours 2021 portant sur la thématique Montréal en vacances. Visionnez notre visite virtuelle des parcs de Montréal sur le blogue et les réseaux sociaux!
Merci à nos partenaires de l’édition 2021 des ArchitecTours :
Ce projet est financé dans le cadre de l’Entente sur le développement culturel de Montréal conclue entre la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec.
Sources :