Les récentes révélations par les médias sur la gouvernance et certaines dépenses de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) au cours des dernières années, ont amené plusieurs à réclamer son abolition. D’autres ont plutôt manifesté leur méconnaissance de l’important rôle que joue cette instance dans la vie collective et le développement social, économique et culturel de Montréal.
Héritage Montréal croit qu’il serait extrêmement néfaste pour Montréal de se priver d’une telle instance. Au-delà des corrections à apporter pour lui assurer une gestion cohérente avec les attentes du public, il faut maintenir l’OCPM et voir à ce qu’il remplisse mieux sa fonction. Dans cet esprit, nous avons ajouté notre nom à la lettre commune ci-jointe qui a été déposée à la Commission des finances et de l’administration de la Ville de Montréal, ce 17 novembre, à l’occasion de l’étude publique sur la gestion financière et administrative de l’OCPM (voir https://montreal.ca/evenements/gestion-financiere-et-administrative-de-loffice-de-consultation-publique-de-montreal-59340).
Rappelons que cette instance est le fruit de demandes soutenues de la société montréalaise pour des mécanismes indépendants de consultation et d’examen public des projets, au service de meilleures décisions sur l’aménagement et sur le développement de la métropole.
Ainsi, en 1984, un projet de centre commercial en pleine avenue McGill College, appuyé par le maire Drapeau, a suscité un vif débat qui unit les organismes – notamment Héritage Montréal – et le milieu des affaires. Face à cette alliance inédite, le promoteur s’est résolu à financer une consultation publique indépendante et à respecter ses recommandations. 40 ans plus tard, on profite encore de l’avenue et sa vue sur la montagne.
Cet exercice et d’autres menés par des regroupements citoyens ou universitaires ont amené la Ville, sous l’administration du maire Doré, à tenir une première consultation municipale en 1987 et, en 1988, à se doter d’une politique et à créer le Bureau de consultation de Montréal (BCM). L’abolition du BCM en 1994 au profit de commissions d’élus ramena une ère chaotique de conflits sur les questions d’aménagement et de développement urbain, qui dura jusqu’à la réforme municipale et la création de l’OCPM en 2002.
Ainsi, depuis plus de 20 ans, l’équipe de commissaires et d’analystes de l’OCPM a mené des dizaines de consultations, écoutant des milliers de personnes, d’organisations, d’experts et de promoteurs, économiques, sociaux-communautaires ou culturels, pour expliquer, examiner et commenter des projets immobiliers, des plans d’aménagement ou des politiques municipales, y compris sur des objets retenus par l’exercice du droit d’initiative citoyenne. Ces consultations mettent en évidence le caractère multidimensionnel de ces questions, ce qui rend d’autant plus nécessaire d’offrir à la société, dans sa diversité, l’occasion de s’exprimer. Elles ont aussi insufflé une nouvelle culture communicationnelle et contribué à une prise de décision plus éclairée en amenant les diverses parties prenantes à présenter publiquement leurs analyses.
Outre ces nombreuses séances d’information et d’audition et les rapports – rigoureux et détaillés – des consultations qu’il a menées, l’Office a bâti une véritable bibliothèque virtuelle d’informations, d’analyses et d’études, notamment patrimoniales, qui seraient autrement restées inaccessibles ou n’auraient même pas été faites n’eut été de ces consultations qui auront incité les professionnels et les scientifiques à s’exprimer au même titre que les citoyens de tous âges.
Après plus de 20 ans d’existence, l’OCPM fait partie du patrimoine des institutions montréalaises au service du bien commun, un patrimoine qui distingue la métropole. Au-delà de sa gouvernance et de sa gestion, des améliorations sont souhaitables pour qu’il puisse assumer mieux sa mission de service public. Nous en voyons trois :
- Le suivi des recommandations des consultations par l’administration municipale. Jadis, le Comité exécutif de la Ville publiait ses réponses aux recommandations du BCM. Actuellement, cela ne se fait plus et le suivi des recommandations de l’OCPM n’est pas transparent, ce qui déçoit notamment les gens et les groupes qui prennent le temps de s’informer et se mobilisent pour s’exprimer devant les commissaires de l’OCPM, à l’invitation de la Ville. Un tableau de suivi devrait être préparé et publié systématiquement sur le site web de l’Office, par exemple, pour accompagner chaque rapport de consultation.
- L’examen public des projets gouvernementaux. Plusieurs des projets majeurs qui marquent Montréal impliquent les gouvernements ou leurs organismes. Collectivement, on gagnerait à ce que ces projets soient examinés publiquement au moyen de l’OCPM et ce, dans un cadre qui assure un accès à l’information et une diligence du processus. Le cas récent du plan directeur de l’ancien hôpital Royal Victoria a montré combien un tel exercice peut susciter non seulement une acceptabilité sociale mais aussi une créativité porteuse de solutions, notamment au chapitre de l’occupation de certains des bâtiments patrimoniaux de cet ensemble emblématique.
- Les nouvelles pratiques. La consultation et la participation publique sont en évolution face à la complexité des enjeux et la nécessité d’une plus grande intelligence collective. L’OCPM a su innover, s’adapter et déployer son action en amont et par de nouveaux outils afin de rejoindre et d’engager un plus grand nombre de personnes et d’organisations à contribuer ainsi à des décisions éclairées. Il faut augmenter la capacité de l’OCPM à mobiliser davantage cette intelligence collective.