Avez-vous remarqué les grands échafaudages qui bordent la rue McGill dans le Vieux-Montréal? L’édifice Dominique-Ducharme (anciennement appelé édifice des douanes) est en effet en restauration depuis le début du printemps 2019. Après un retour sur son histoire, retrouvez notre reportage photo dans la deuxième partie de l’article!
Historique de l’édifice
En 1910, le gouvernement canadien fait l’acquisition du terrain à l’est de la rue McGill entre la Place d’Youville et la rue Marguerite-d’Youville afin d’y construite un nouvel édifice des douanes, celui sur place Royale étant devenu trop petit. Entre 1911 et 1914, on procède à la démolition des bâtiments se trouvant sur le lot. Le terrain était alors utilisé par des commerçants pour y entreposer des grains et du charbon. Certains des bâtiments s’y trouvant avaient été construits dans les années 1840, notamment le lavoir de l’ancien Hôpital général de Montréal – jadis situé juste à côté.
L’édifice des douanes est bâti en deux phases. La première phase, entre 1912 et 1916, consiste en la construction du bâtiment occupant le sud de l’îlot. Edgar Lewis Hardwood et David Ewart, architectes du Ministère des Travaux publics, aidés de Alfred Hector Lapierre, architecte associé, conçoivent le bâtiment. À son inauguration, en 1915, l’édifice est principalement utilisé à des fins d’entreposage de marchandise à examiner par les contrôleurs douaniers. On y trouve quelques guichets et bureaux, mais en nombre insuffisant. Ainsi, dès 1914, Hardwood prépare déjà les plans pour la seconde aile du bâtiment, qui devait occuper la partie restante du lot, au nord. Malheureusement, les travaux, entrepris dès 1919, sont interrompus rapidement pour ne reprendre qu’une quinzaine d’années plus tard. Entre temps, le terrain demeure vacant.
La seconde phase, entre 1934 et 1936, voit la complétion du complexe. Les architectes Thomas W. Fuller et Dalbé Viau conçoivent l’aile nord à partir des plans de Hardwood afin d’assurer l’harmonisation des deux ailes. S’ils conservent sa vision pour les murs extérieurs, ils adaptent de façon importante les plans pour l’intérieur du bâtiment – les besoins ayant changé au cours des dernières décennies. Un puit de lumière est notamment intégré au bâtiment permettant d’éclairer le hall intérieur où on retrouve des guichets et des bureaux.
Architecture de l’édifice des Douanes
Si le bâtiment est composé de deux ailes distinctes, la façade principale, sur la rue McGill, donne l’apparence d’un édifice monolithique et majestueux. Plusieurs éléments rappellent le style Beaux-Arts, dont l’horizontalité – caractérisée notamment par une base imposante en granit gris de Stanstead – et l’enfilade de colonnes ceinturant le bâtiment, qui sont en grès chamois de la Nouvelle-Écosse.
Le choix des matériaux – canadiens – n’est d’ailleurs pas anodin. En effet, pour plusieurs, l’édifice des Douanes est érigé à l’honneur du Canada. Soulignons aussi la localisation du bâtiment, sur la prestigieuse avenue McGill, qui reliait à l’époque le port de Montréal – porte d’entrée du Canada – au centre-ville.
En 1977, une première rénovation modifie de façon importante l’intérieur du bâtiment. Les salles d’entrepôt et d’examen sont majoritairement transformées en bureaux. À cette occasion, le puits de lumière est démoli.
Le chantier de restauration
Réalisé par St-Denis Thompson, le chantier se concentre présentement sur l’enveloppe de la partie sud de l’édifice, la partie nord ayant fait l’objet d’un précédente restauration afin d’être réhabilitée en 2021. « Les façades ont subi des détériorations importantes par endroits dues au vieillissement, à une certaine exposition extrême aux intempéries et à des campagnes de réparation antérieure utilisant des techniques qui ont depuis évolué » précise Fournier Gersovitz Moss Drolet – St-Gelais Montminy Architectes en consortium.
Ici, les artisans et employés de la construction réalisent un travail de précision. L’objectif est de restaurer à l’identique, pour que les générations suivantes héritent d’un bâtiment pérenne, qui respectera les qualités esthétiques et structurelles du bâtiment d’origine.
On est surpris en arrivant de constater la superficie du chantier et la quantité impressionnante d’interventions à réaliser. On y retrouve d’ailleurs tout type de métiers : maçons, journaliers, ferblantiers, couvreurs, scellants, plombiers, électriciens, peintres, menuisiers, vitriers, etc.
Comment restaure t-on une telle enveloppe de pierres? Plusieurs techniques sont utilisées. Tout d’abord, le flipot. Ce bloc de pierre est travaillé à l’identique du morceau prélevé. Il est ensuite scellé avec de la chaux sur le mur ou la colonne.

Chaque morceau prélevé de l’édifice possède un « code », qui apparaît sur un plan du bâtiment. Ainsi pas d’erreurs et pas de panique! Chaque pierre reprendra sa place sans problème. D’abord inscrit au marqueur, le code sera ensuite gravé et attaché à la pierre sur un médaillon.
Outre le flipot, on peut aussi utiliser un mortier de restauration, qui est façonné pour imiter la pierre, faire des injections dans la fissure, remplacer la pierre entièrement ou refaire les joints du mortier.
D’ailleurs, pour remplacer les pierres trop abîmées, et afin de gagner du temps, un atelier de taillage de pierres est installé sur place, en plein Montréal! Les deux types de pierres, la Wallace et le granite Stanstead, proviennent du Canada.

Le taillage de pierre est un travail d’extrême précision. Il faut reproduire à l’exactitude les rainures pour qu’elles correspondent à la colonne où elle a été prélevée.

« Parfois on nous dit : « Mais on ne voit pas ce que vous avez fait ». C’est le but ultime, notre passage doit être le moins visible possible!”
Stephan rivet, responsable du chantier pour st denis-thompson
Le chantier consiste aussi à reconstruire ce qu’on appelle les arrières mur, soit près de 300 000 briques qui seront remplacées et qui portent l’édifice en arrière de la pierre grise.
« Les réparations effectuées sont très durables. Il y a évidemment une bonne évolution des techniques et et des produits, mais avec les années nous essayons de plus en plus de revenir à des produit plus traditionnels, nous utilisons les époxys* de façon plus ponctuelle. »
Non seulement le chantier est conséquent, mais en plus, il est situé en plein Vieux-Montréal. Le bruit, la circulation, les personnes qui vivent à proximité du chantier, tout cela ne facilite pas le quotidien de Stephan Rivet et de ses équipes. Mais dans quelques mois, les échafaudages laisseront place à un édifice en santé. Espérons que le regard des Montréalais en soit lui aussi renouvelé.
*époxys : La résine époxy est un produit composé de deux ingrédients à mélanger pour obtenir une solution dure et solide. C’est un produit facile à travailler et colorable. Source.
Toutes les photos sont de Vivien Gaumand, sauf précisé.
Pour en savoir plus, consultez l’inventaire du Vieux-Montréal en cliquant ici.
Remerciements : John Diodati, Fournier Gersovitz Moss Drolet – St-Gelais Montminy Architectes en consortium, Services publics et approvisionnement Canada, Pierre-Hugues Mathieu, St-Denis Thompson et particulièrement Stephan Rivet et Jonathan Mainville qui nous ont accueilli sur le chantier.

2 commentaires
Bonjour,
Très joli reportage! Est-ce que nous savons quand est-ce que les travaux se termineront?
Merci,
Bilal
Merci pour l’information. C’est un véritable retour historique sur les magnifiques salles de spectacles et de cinéma. Comme c’est dommage d’en détruire.
Étant natif de Québec je suis ignorant de plusieurs bijoux d’architecture présents dans la Ville de Montréal.
Merci énormément et longue vie.
Richard Morin